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Manifeste
L’art contemporain a été initié au début du siècle dernier avec les réflexions de Marcel Duchamp, et succède dès 1945 à l’Art Moderne. Qu’il soit une simple période historique ou un ensemble de simultanéité des formes, il apparaît désormais comme un terme polémique synonyme d’excès, avec lequel il est nécessaire de rompre.
Si l’art contemporain fut initialement un vecteur de créativité, à l’origine de nombreux changements, il est aujourd’hui le symptôme d’une activité qui peine à se renouveler. La mondialisation des formes et des enjeux artistiques, à laquelle nous assistons, impose ses dogmes et rend difficile toute tentative d’émancipation.
Aujourd’hui, l’art contemporain annihile la création de nouveaux courants et homogénéise les pratiques artistiques, qui font la richesse et l’identité plurielle de l’Art. Il incarne les dérives de l’écosystème politique et financier en réduisant l’artiste à des logiques de profits monétaires ou idéologiques.
Reconnaître la mort de l’art contemporain est un geste de résistance, qui permet de reprendre le pouvoir face à ceux qui s’adjugent la direction de l’art. En cause, les moyens considérables qui sont dédiés à l’entretien d’une politique culturelle qui ne remplit plus sa mission, tournée vers le tourisme de masse, la rentabilité et le divertissement, aux dépens du soutien des artistes vivants et émergents.
Enfermé dans un système opaque, l’artiste est dépossédé de son domaine. L’art est désormais supervisé par une multitude d’intermédiaires dont la légitimité reste encore à interroger : directeur, curateur, médiateur, mécène, conservateur, communicant, fonctionnaire, critique, commissaire-priseur... L’artiste est-il dorénavant sous tutelle, ou est-il simplement empêché d’exercer son influence ?
Bon nombre de galeries ne sont plus qu’un simple espace de commercialisation, où l’artiste-marchandise est progressivement devenu un outil de défiscalisation et ses œuvres un produit financier. Les productions véhiculées ne sont que le miroir éculé des effets de mode spéculatifs et passagers de l’art, dont elles suppriment la valeur intrinsèque.
Les structures publiques vivent désormais sous perfusion. La multiplication des aides étatiques et l’ingérence des fondations privées ne sont qu’un exemple de dépendance d’un système qui s’auto-alimente et se protège. La fascination qu’elles exercent, grâce à l’utilisation de moyens souvent colossaux, détourne l’attention du public et enferme l’artiste dans un piège qu’il construit lui-même en y participant.
L’extrême bureaucratisation qui s’ajoute aux processus d’attributions de capitaux et de visibilité incarne le point de rupture et l’autoritarisme le plus invisible et pernicieux de l’art contemporain qui décide, légitime et illégitime la création.
Ces lieux, bientôt anciens, deviendront demain les musées d’une époque à l’hégémonie néo-libérale où l’artiste-asservi était dépendant des structures qui l’exploitent. Penser la liberté d’expression et de diffusion apparaît aujourd’hui comme un point essentiel, à l’heure où l’artiste-utile vient à justifier, sinon exprimer l’idéologie de ceux qui le rendent visible.
L’art contemporain agonise. Porter son deuil vise aujourd’hui à mettre fin à ses souffrances, tout en célébrant sa disparition comme le symbole d’une transition. Sa mise à mort témoigne de la nécessité d’opérer un renversement afin de dresser les fondations d’un changement de paradigme.
La naissance d’une nouvelle période artistique offre la perspective d’une pratique nouvelle, indépendante et décentralisée, comme celle de cette nouvelle génération de créateurs qui réussit à se diffuser à la périphérie des institutions, grâce au numérique et à l’espace urbain.
Cette liberté permettra demain l’émergence de nouveaux courants, de nouveaux espaces de diffusion, et de nouveaux moyens économiques, afin que les artistes reprennent le pouvoir en évitant toute forme d’instrumentalisation.